Assemblée Plénaire des Evêques Catholiques du Canada 2017

  • Posted by Chirayil Thomas
  • On septembre 26, 2017
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Adresse du Nonce Apostolique, Mgr. Luigi Bonazzi
À l’Assemblée Plénière des Évêques Catholiques du Canada
Cornwall, le 25 septembre 2017

 

Éminences, Excellences,
Très chers frères évêques de l’Église de Jésus Christ qui est au Canada,

 
Encore une fois, je suis heureux de vous saluer avec une affection fraternelle, toujours reconnaissant pour l’opportunité de passer du temps avec vous et de partager les joies et les défis qui font partie du ministère épiscopal, alors que vous accomplissez les nombreux devoirs et responsabilités qui découlent de votre charge épiscopale. Je salue tout particulièrement les nouveaux Évêques qui pour la première fois siègent à votre Assemblée. Bienvenus!
En regardant ce rassemblement, je me souviens du passage de la Lettre aux Galates (Gal. 2, 1-2) où l’apôtre Paul raconte qu’il est allé à Jérusalem pour rencontrer les Apôtres et pour exposer l’évangile qu’il a prêché car il « ne voulait pas risquer de courir ou d’avoir couru pour rien ». Je crois que ces jours de l’Assemblée Plénière sont un moment spécial, un kairos, où l’Esprit Saint vous rassemble, vous permet de vous rencontrer et vous offre l’opportunité de grandir en communion: pour éviter le risque de « courir en vain ».

Comme vous pouvez l’imaginer, il y aurait beaucoup de choses à partager et à commenter avec vous… La première et la plus importante, pour moi, c’est de vous dire : Merci ! Je vous remercie de votre amour, que je veux et j’essaie de réciproquer, en demandant au Seigneur de m’aider chaque jour à apprendre à mieux vous aimer et vous servir. Comme je l’ai dit à une autre occasion : avec vous je me sens comme à la maison. Je peux vraiment le dire : auprès de vous je me sens chez moi.

 

I. Appréciation du Président sortant et du personnel de la Conférence

Je remercie Monseigneur Crosby, qui termine son mandat de Président de la Conférence, pour son étroite collaboration de ces deux dernières années, ainsi que pendant les années où il a été vice-président. Je salue son successeur, Mgr. Gendron, et je lui assure mon soutien, ainsi que celui du personnel de la Nunciature Apostolique, au moment où il assume ses nouvelles responsabilités.

Je remercie aussi le Secrétariat Général de la CECC comme ceux des Assemblées Régionales pour l’aide et la collaboration agile et fructueuse donnée à la Nonciature Apostolique, et je les félicite pour tout ce qu’ils font pour aider les évêques à accomplir leur mission la plus importante en tant que pasteurs de l’Église de Dieu au Canada.

 

II. Le travail de la Conférence

En regardant le travail de la Conférence de l’année passée, j’observe nombreuses initiatives – certaines qui continuent depuis longtemps, tandis que d’autres sont la conséquence de nouveaux défis. Certaines parmi elles abordent la relation de l’Église avec la société dans son ensemble et comprennent des préoccupations sociales et morales très importantes; d’autres abordent des questions internes liées à la vie ecclésiale et à la discipline ecclésiastique.

a)  L’Église et la société

Dans ce 150e anniversaire de la Confédération, nous révisons, comme l’a dit un évêque, notre histoire et nous apprenons de nouveau et d’une perspective plus large l’importance de corriger les injustices passées. Je félicite les évêques pour le travail visant à renforcer et à renouveler les relations avec les peuples autochtones et à poursuivre ainsi le processus de vérité, de guérison et réconciliation, avec tout ce que cela implique.

De même, avec la légalisation du suicide assisté, la Conférence a fait respectueusement entendre sa voix aux autorités civiles pour que la liberté de conscience soit garantie, et que l’accès aux soins palliatifs soit assuré.

Plus récemment, la réponse à ceux qui ont été touchés par les calamités naturelles (les fortes inondations en Ontario et au Québec au printemps dernier, et les incendies de forêt qui ont ravagé la Colombie-Britannique l’été dernier), et calamités sociales (l’épidémie de toxicomanie et la grave crise des opioïdes).

 

b)  Dans l’Église

Afin de contribuer à la préparation et à la formation continue des prêtres et des diacres, je suis ravi de noter la récente publication du premier Directoire national pour le Ministère, la Formation et la Vie des diacres permanents, ainsi que la publication de la Ratio Formationis Sacerdotalis Nationalis pour le Canada francophone, qui sera bientôt suivi par celui du Canada anglophone.

Je félicite la Conférence pour les efforts continus visant à assurer le soutien aux diocèses du Nord du Canada, anciennement sous la juridiction de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples.

Je suis heureux que vous ayez choisi de réunir la Conférence à la Cathédrale-basilique de Notre Dame, dans la capitale nationale, pour consacrer le Canada au Cœur immaculé de Marie. Que cette consécration puisse allumer nos cœurs avec l’amour qui brille du Cœur Immaculé de la Mère de Jésus.

Voilà, pour en nommer que quelques-unes, vos vastes activités et initiatives en tant que Conférence des Évêques de l’année passée. Bien sûr il y a aussi les nombreuses et bien méritoires activités des Conférences Régionales, avec leur Documents, prises de positions qui, de fait, vont au bénéfice de l’Église Catholique au Canada toute entière… L’Esprit Saint – qui trouve toujours sa maison là où il y a la « communion » – est généreux avec ses dons! 

 

III.  La Visite Ad limina

L’évènement qui, cette année, pour vous évêques du Canada, aura été le plus significatif est certainement la Visite ad Limina qui vous a conduits ad Petri sedem, à travers chacune de vos quatre Assemblées régionales.

Avec vous, je voudrais « faire mémoire » de la Visite ad Limina. Je dis bien « mémoire », et non « souvenir ». Se souvenir c’est mettre en mouvement nos pensées pour évoquer un évènement du passé ; un évènement qui reste cependant prisonnier de l’histoire et de ses limites. « Faire mémoire », en revanche, constitue un acte réellement « théologal », dans lequel l’Esprit Saint actualise ici et maintenant la grâce qu’il nous a offerte dans le passé. Cela est possible parce que les évènements, habités par Dieu, sont « éternisés » : ils sont dès lors soustraits à l’usure de l’histoire et scellés « pour toujours » par l’Esprit Saint. 

 Je crois que pour tous ce fut un moment de grâce. Un moment dont vous gardez un souvenir vivant, tangible et inoubliable. Pour en faire mémoire ensemble, permettez-moi de vous partager ce que m’a dit le Président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), S.E. Mgr. Paul Lortie, évêque de Mont-Laurier. Ces propos concernent plus particulièrement les évêques du Québec, mais je crois que cela reflète une expérience commune à tous. Je cite : “Sur tous les plans, cette visite pastorale a été un franc succès pour expérimenter un vrai dialogue et une profonde communion entre les Églises locales et le Siège de Pierre, entre les diocèses et la Curie romaine et entre tous les évêques de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) ».  Commentant ensuite la rencontre « spéciale », de trois heures, que les évêques de l’AECQ ont eu avec le Pape François et avec des représentants de plusieurs dicastères, “des rencontres franches, amicales et imprégnées de respect mutuel et de recherche de la vérité”, Mgr. Lortie m’a écrit: « Au terme de cet échange, le pape François nous a exprimé des paroles d’encouragement, en nous invitant au courage et à l’audace dans nos propres diocèses. Il a utilisé des expressions concrètes et inspirantes : « Église au Québec, lève-toi ! Va et écoute! N’oublie pas que le Seigneur ressuscité est toujours avec nous! Au terme de cette première rencontre mémorable, j’ai exprimé les sentiments suivants : « un nouveau souffle pour notre Assemblée. Rencontre formidable vécue dans un climat d’écoute, de partage, de simplicité dans la vérité ».

Ce « nouveau souffle », fondé sur la certitude que le Seigneur est toujours avec nous, et qu’il nous précède jour après jour dans la Galilée de notre ministère (cf. Mt 28,7), a certainement été un don fait à chacune de vos Assemblées régionales et à chacun de vous.

Dès lors, comment ne pas demander à l’Esprit Saint qu’il veille sur ce don, et qu’Il ne cesse de le renouveler en chacun de vous. Je crois également qu’au terme de ces visites ad limina, chacun de vous a pu se sentir d’avantage soutenu par l’estime et par la prière du Pape François.

Il reste vrai – et nous en sommes quotidiennement témoins – que l’Église est marquée par bien des faiblesses et des fragilités; ceci pour la simple raison que nous constituons l’Église, nous qui sommes des personnes faibles et fragiles. De ce fait, «l’Église a constamment besoin d’être réformée, d’être réparée ».

Mais, aussi faible qu’elle puisse être, l’Église dispose d’un guide très fiable qui lui a été donné par le Christ. Commentant la « confession de Pierre » à Césarée de Philippe (cf. Mt 16, 15-19), le Pape François s’est récemment exprimé ainsi : « Pierre … n’est pas un grand rocher, mais une petite pierre; mais cette petite pierre, une fois prise par Jésus, est devenue centre de communion » (cf. Angelus du 27 août 2017). Sans volonté aucune de triomphalisme, mais en même temps avec un paisible réalisme, nous pouvons poser cette question : « quelle autre société dispose, en notre temps, d’un guide qui fasse autorité et qui soit reconnu comme le Pape François ? ».

Ce « charisme de Pierre » est inséparable du « charisme apostolique ». L’Église est nous le savons, « apostolique »; elle est fondée sur les Apôtres et leur chef, Pierre, et sur leurs successeurs, les évêques. Le Concile Vatican II nous enseigne qu’« en la personne des évêques assistés des prêtres, c’est le Seigneur Jésus Christ, Pontife suprême, qui est présent au milieu des croyants » (LG 21).  J’aime à penser qu’une grâce particulière de la visite ad Limina ait été d’avoir renouvelé en chacun de vous, évêques du Canada, la conscience du « don » que vous êtes : vous permettez au Christ de continuer à enseigner, à gouverner et à sanctifier son Église. Dans son homélie pour l’ordination de deux évêques Pape François dit : « C’est le Christ, en effet, qui, par le ministère de l’évêque continue à prêcher l’Évangile du salut et à sanctifier les croyants à travers les sacrements de la foi. C’est le Christ qui, par la paternité de l’évêque, fait croître son corps qui est l’Église en lui adjoignant de nouveaux membres. C’est le Christ qui, par la sagesse et la prudence de l’évêque, guide le Peuple de Dieu dans son pèlerinage terrestre jusqu’au bonheur éternel ». Et le Pape François de conclure : « Le Christ qui prêche, le Christ qui fait l’Église, qui la féconde, le Christ qui guide :  Voilà ce qu’est l’évêque » (Homélie du 19 mars 2016).

Je crois qu’il est important d’être toujours conscients de cela. Maintenant : est-ce que nous sommes à la hauteur de cette charge ? En sommes-nous capables ? Si nous nous regardons nous-mêmes, si nous regardons nos capacités humaines, la réponse est certainement : non ! Mais le Christ Jésus, le Bon Pasteur qui nous a appelés, est lui-même bien conscient de ce que nous sommes radicalement inadéquats. Il sait parfaitement que nous sommes de pauvres pécheurs. C’est pour cela qu’il a dit à Pierre et aux Douze – et qu’il nous dit à nous aussi : « Venez à ma suite. Je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes» (Mc 1,17). « Je vous ferai » dit Jésus. (poiēo). Ce verbe indique l’agir créateur de Dieu, l’agir de Jésus qui accomplit les œuvres du Père. Il s’agit d’une parole efficace qui opère ce qu’elle dit.  Ce ne sont pas Pierre et ses compagnons qui par eux-mêmes vont se faire pêcheurs d’hommes : c’est Jésus qui les fait pêcheurs d’homme par sa propre puissance. Et ce sera un travail lent et progressif : « Je vous ferai devenir ». Il s’agit d’une formation que Jésus accomplira jour après jour, vivant avec ses disciples, échangeant avec eux, leur montrant les œuvres qu’il accomplit.

Le Cardinal Carlo Maria Martini avait l’habitude de dire aux jeunes prêtres qui avaient deux ou trois années d’ordination : « Sachez que vous n’êtes pas encore des prêtres, et que vous devrez passer par bien des épreuves pour intégrer en vous les choses que vous avez apprises sur le sacerdoce. » Je crois que cette observation peut s’appliquer aussi à nous les évêques. Sans aucun doute nous sommes bien évêques de par notre ordination, mais il reste vrai que nous sommes toujours en train de le devenir, qu’il faut faire grandir en nous la mesure de la stature du Christ Bon Pasteur, de qui nous devons apprendre chaque jour la sage recherche de l’unum necessarium : la salus animarum, le salut des âmes (cfr. Pape François, Discours aux participants au cours de formation pour les évêques sur les Procès matrimoniaux organisé par le Tribunal Apostolique de la Rote Romaine 17-19 novembre 2016).

 Toutes proportions gardées, on devrait aussi pouvoir dire de notre ministère épiscopal, c’est-à-dire de la stature en nous de Jésus Bon Pasteur, qu’il « grandit en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Cf. Lc 2,51-52). Ce n’est que par la grâce de Dieu (cf. 2 Cor 12,9), et en entrant – non pas de manière occasionnelle mais de manière permanente – dans un indispensable « apprentissage spirituel », aussi bien personnel que collectif c’est-à-dire vécu « ensemble », que nous pourrons atteindre cet objectif.

Cet « apprentissage spirituel » comprend – et je cite là un ami qui m’est très cher, Mgr. Giuseppe Petrocchi, Archevêque de L’Aquila – le fait d’apprendre:

« à être disciples, avant d’être maîtres,
à écouter, pour pouvoir parler avec autorité,
à vivre comme fils et comme frères, avant de devenir époux et pères,
à aimer sans mesure, pour édifier l’Église comme une vraie famille évangélique,
à obéir, pour que murisse en soi une vraie capacité de gouverner,
à servir, pour témoigner de la vraie liberté,
à vivre comme des pauvres, pour administrer les biens économiques avec sagesse,
à se faire les derniers, pour répondre à l’appel à devenir premiers,
à se laisser tailler comme la vigne, pour exercer l’art de former les autres,
à s’exercer à la pratique de l’unité, pour promouvoir la communion,
à passer par la mort, pour entrer dans la Vie de la Résurrection. »

Bien chers confrères évêques : dans d’autres occasions, je vous ai rappelé une phrase qui m’est chère : « l’évêque parcourt son Diocèse dans les souliers de ses prêtres ». Dans cette perspective, me faisant l’écho des paroles du Pape François, je vous ai rappelé combien il importe d’être et de demeurer proches de vos prêtres, avec un amour fraternel et paternel. Le prochain, le premier prochain, de l’évêque est en effet son presbyterium (cf. Homélie du 19 mars 2016).

 

IV.       Conclusion

En conclusion de ces quelques mots, je voudrais également vous dire, et cela avec toute la conviction qui m’habite, que le premier prochain de l’évêque, c’est aussi chacun des autres évêques. Soutenons-nous les uns les autres. Engageons-nous à cultiver et à faire grandir entre nous la fraternité épiscopale. Aidons-nous les uns les autres à demeurer dans cet « apprentissage spirituel » qui permettra à Jésus, en nous-mêmes et à travers nous, de continuer, comme Bon Pasteur, à faire du bien à cette terre qui est vôtre, au Canada. Prions les uns pour les autres, nous souvenant de la toute particulière grâce d’intercession qui, comme évêque, nous est confiée.

Que la Vierge Marie, qui à Nazareth a accompagné la croissance de son Fils Jésus, vous garde et vous bénisse, vous et vos Églises particulières. Je vous souhaite une très belle assemblée plénière et vous assure de ma prière. Et s’il vous plait, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci !