Assemblée Plénaire des Évêques Catholiques du Canada 2016

  • Posted by Chirayil Thomas
  • On septembre 29, 2016
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Adresse du Nonce Apostolique, Mgr. Luigi Bonazzi

Cornwall, 26 septembre 2016

 

Éminences, Excellences,

Très chers frères évêques de l’Église de Jésus Christ qui est au Canada,

C’est pour moi une grande joie d’être ici parmi vous; c’est aussi un grand honneur que de vous adresser la parole en ce premier jour de votre assemblée plénière. Le 2 septembre dernier, j’ai été reçu en audience par le Pape François. Il sait que je devais vous rencontrer : je vous transmets ses salutations, son estime et son affection.

Me trouvant maintenant avec vous, les évêques du Canada, ce qui me vient au cœur, mon premier désir, est de vous remercier. Oui, j’ai bien des raisons pour vous remercier : je vous remercie pour le soutien de votre prière, prière à laquelle je réponds par ma prière quotidienne pour vous. Je vous remercie pour votre estime que je ressens et qui m’émeut. Je vous remercie pour toutes les formes de soutien que je reçois de vous : vos conseils, vos lettres par lesquelles vous répondez avec diligence à mes nombreux courriers, vos invitations à visiter et donc à connaître vos diocèses ; vos demandes de soutien qui me permettent de faire miens vos soucis pastoraux et de vous êtres proches. Oui : avec vous je me sens comme à la maison. Je peux vraiment le dire : auprès de vous je me sens chez moi.

De nombreux évènements ont requis l’attention et des réponses de votre Conférence épiscopale. Permettez-moi d’en rappeler quelques-uns de manière rapide :

Le transfert de juridiction des six anciens diocèses missionnaires, de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples à la Congrégation pour les Évêques le 25 janvier 2016, fête de la conversion de St. Paul. Je voudrais souligner avec gratitude les efforts que la CECC a entrepris pour offrir à ces diocèses le soutien nécessaire.

  1. L’héritage laissée par la Commission Vérité et Réconciliation et la réponse aux multiples facettes et qui s’engane de l’Église, avec ses efforts actuels pour renouveler et renforcer les relations avec nos frères et sœurs des divers groupe aborigènes à travers le Canada.
  2. L’arrivée des réfugiés syriens et la réponse chrétienne active et pleine de sollicitude de l’Église dans vos diocèses, dans les paroisses. Merci aux diocèses, aux paroisses et aux organisations qui ont pris soin de l’accueil de familles de réfugiés, souvent au prix de beaucoup de travail et de sacrifices.
  3. La déplorable légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté par le corps médical, et la réponse pastorale que l’Église est en train d’offrir aux questions complexes qui naissent d’une telle décision. Sans oublier l’impact de l’idéologie du genre avec ses effets sur les communautés chrétiennes et sur les institutions éducatives. Un grand merci à tous ceux parmi vous qui ont écrit des lettres pastorales et qui ont fait face à ces questions avec franchise et compassion.
  4. L’année de la Miséricorde avec son impact sur l’Église au Canada et sur la société. Je suis sûr que cette année de grâce est et sera pour vos diocèses respectifs et pour toutes les communautés un temps fécond, et que ce Jubilé portera du fruit longtemps encore après sa conclusion.
  5. Je voudrais ici remercier les différentes instances de la Conférence en commençant par la Présidence, le Comité Exécutif, le Conseil Permanent, et les divers Commissions et Comités. J’aimerais aussi dire ma gratitude et mon appréciation pour la collaboration fructueuse qui existe entre la Nonciature Apostolique et le Secrétariat de la Conférence. À cet égard, permettez-moi de mentionner l’ancien Secrétaire Général, Mgr. Patrick Powers et le nouveau Secrétaire Général, Mgr. Frank Leo, ainsi que le personnel généreux et dévoué de la Conférence : laïcs, religieux et clercs.

Je voudrais maintenant vous partager de manière plus personnelle des idées, des soucis, que je porte dans mon cœur, comme représentant parmi vous du Pape François, mais aussi comme celui qui est pasteur avec vous qui êtes pasteurs. J’offrirai 4 briefes considérations : 1) sur la valeur de votre Assemblée Plénière; 2) sur la « Pastorale à genoux »; 3) sur la « réforme »; 4) et pour finir  je vous proposerai trois verbes pour aller de l’avant.

 

  1. Valeur de l’Assemblée Plénière. Qu’est-ce qu’une Assemblée Plénière d’évêques ? J’aime la regarder comme une expérience renouvelée du « Cénacle », ce lieu où advint l’évènement de la Pentecôte, lieu où l’Esprit Saint crée et renouvelle l’Église. Elle n’est donc pas cette un évènement – pour ainsi dire – formel ou protocolaire. Vous venez de toutes les parties du Canada, ou, mieux, vous avez été convoqués de toutes les régions du Canada pour vous ouvrir à l’action dynamique de l’Esprit Saint qui, comme un véritable expert non seulement des «profondeurs de Dieu» (1Cor 2,10), mais aussi du cœur humain (cf. 1 Sam 16,7; Dominum et Vivificantem n. 67), peut et sait si bien vous rendre capables de percevoir les besoins de vos fidèles et, ainsi vous rendre neufs et créatifs dans votre ministère pastoral. Soyez certains, chers frères évêques, que c’est l’Esprit du Seigneur ressuscité qui vous a convoqués. Lui, présent au milieu de vous, saura vous surprendre. À travers vos travaux, à travers vos rencontres personnelles ou en petits groupes, à travers des dialogues peut être imprévus mais toujours suscités par Lui, l’Esprit Saint saura vous enrichir d’une lumière nouvelle… pour vous rendre capables de donner non pas de vieilles réponses mais des réponses neuves au questions nouvelles que les temps actuels posent à l’Église et à ses pasteurs. Je souhaite à chacun d’entre vous de repartir de cette Assemblée plénière enrichi de « l’étincelle nouvelle » que l’Esprit Saint a préparée pour vous, afin de consoler et de féconder votre ministère pastoral. Sans jamais oublier que les idées nouvelles, que les solutions nouvelles, ne se trouvent pas dans les manuels, mais sont le fruit d’un discernement communautaire qui demande de la patience et, parfois aussi, une certaine souffrance. C’est notre Pâque quotidienne, notre appel à rencontrer et embrasser la croix.
  2. Pastorale à genoux”. À l’occasion du 65ème anniversaire d’ordination sacerdotale du pape Émérite Benoît XVI, le pape François donné ce témoignage : « Chaque fois que je lis les œuvres de Joseph Ratzinger/Benoît XVIil est de plus en plus clair pour moi qu’il a fait, et fait, de la « théologie à genoux » : à genoux parce que, avant même d’être un très grand théologien et un maître de la foi, on voit que c’est un homme vraiment croyant, qui prie vraiment ; on voit que c’est un homme qui personnifie la sainteté, un homme de paix, un homme de Dieu. Et ainsi il incarne de manière exemplaire le cœur de tout l’agir sacerdotal : ce profond enracinement en Dieu sans lequel toute la capacité d’organisation possible et toute la supériorité intellectuelle présumée, tout l’argent et le pouvoir s’avèrent inutiles… Benoit n’oublie pas que la prière est le premier devoir de l’évêque (Ac 6,4) ». (Traduit de la Préface du premier volume de la collection “Joseph Ratzinger. Testi scelti”, Ed. Cantagalli, 2016).

Je me suis dit que, s’il est essentiel de faire de la « théologie à genoux », il n’est pas moins essentiel d’accomplir aussi le ministère pastoral « à genoux ». «Pastorale à genoux» : cela veut dire nous mettre en prière devant Dieu, pour recevoir de Lui le programme ; pour écouter ce que le Seigneur me dira, sachant que Lui – qui nous a appelés à prendre le chemin exigeant et enthousiasmant du ministère apostolique – nous en indiquera très certainement la route. Parce que nous avons été appelés par Lui, nous pouvons oser rappeler au Seigneur : « C’est ta responsabilité! C’est toi qui dois me conduire ! Moi, je ne suis pas capable. Si tu m’as voulu, tu dois aussi m’aider !» (Traduit de : Benoît XVI, Luce del mondo, p.18).

« À genoux » devant Dieu, mais aussi « à genoux » devant chaque frère, chaque sœur, comme « serviteurs de Dieu » dans l’homme. « Quand nous nous déracinons en tant que pasteurs de notre peuple, nous nous perdons » nous avertit le Pape François. « C’est le saint peuple de Dieu que, en tant que pasteurs, nous sommes appelés à regarder, protéger, accompagner, soutenir et servir. Un pasteur ne se conçoit pas sans un troupeau, qu’il est appelé à servir. Le pasteur est pasteur d’un peuple, et c’est de l’intérieur que l’on sert le peuple. Bien souvent, l’on avance en ouvrant la route, d’autres fois, l’on revient sur nos pas afin que personne ne demeure en arrière, et souvent l’on se trouve au milieu pour bien sentir le pouls des gens. » (Lettre au Cardinal Marc Ouellet, 19 mars 2016).

« Pastorale à genoux », surtout dans les moments où il nous semble que les filets sont vides (cf. Lc 5,5), dans les moments où les eaux s’agitent et où le vent est contraire, quand il semble que le Seigneur est en train de dormir. Afin de nous souvenir – précisément dans ces moments là – que dans la barque de l’Église le Seigneur est présent ; que la barque n’est pas ma barque, qu’elle n’est pas notre barque, mais bien celle du Seigneur. Et le Seigneur ne la laisse pas couler : c’est Lui qui la conduit et qui demande, pour cela, notre collaboration, humble, mais aussi pleine et généreuse.

  1. Réforme”. Pas tant et pas seulement “réforme de la Curie Romaine”, mais “ré-forme de l’Église”, pour amener l’Église, à tous les niveaux et dans toutes ses expressions, à se « con-former », personnellement et communautairement, à sa forme originelle qui est le Christ. Jésus Christ et son Évangile sont la « forme » de l’Église. L’Église est en pleine forme quand elle est fidèle au Christ Jésus ! Il s’agit, au fond, de reprendre et d’incarner cette description concise et abyssale du mystère de l’Église qui se trouve dans l’incipit de Lumen gentium: « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain».

À la lumière de cette définition que le Concile Vatican II a donné de l’Église, le Pape François voit dans la « synodalité » un des points fondamentaux de la «réforme» de l’Église. Dans son discours du 17 octobre 2015, lors du 50ème anniversaire de l’institution du synode des Évêques, le Pape François s’est exprimé ainsi : « Église et Synode sont synonymes », parce que l’Église n’est autre que le «marcher ensemble» du Peuple de Dieu sur les sentiers de l’histoire à la rencontre du Christ Seigneur. Cela signifie que : 1) dans l’Église, « comme dans une pyramide renversée, le sommet se trouve sous la base » ; 2) que « l’unique autorité » est celle de Jésus et qu’elle est « l’autorité du service » ; 3) qu’une Église synodale est une Église qui écoute : « écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle

Dans le même discours, le Pape François a insisté pour affirmer que « le chemin de la synodalité est celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire.» Pour le Pape François, l’exercice de la synodalité, à tous les niveaux, apparait comme étant de fait le critère prioritaire de vérification de la réforme de l’Église catholique et de sa “conversion pastorale”. À nous d’en tirer toutes les conséquences dans le service de notre autorité épiscopale : dans les relations entre nous, évêques, dans les relations avec les prêtres, avec les formes multiples de la Vie Consacrée, avec le Peuple Saint de Dieu.

  1. Trois verbes pour aller de l’avant”. Je vous livre trois verbes de « mouvement » qui tracent un parcours idéal. Le Pape François les a donnés aux Cardinaux dans l’homélie de la Messe célébrée avec eux après son élection au Siège de Pierre, le 14 mars 2013, dans la Chapelle Sixtine. Je vous les rappelle afin de les vivre avec vous : « marcher, édifier, confesser ».

Le Papa François concluait ainsi son homélie : « Je voudrais que tous, après ces jours de grâce (pour nous : pendant ces jours de grâce de l’Assemblée plénière et ensuite) nous ayons le courage, vraiment le courage, de marcher en présence du Seigneur, avec la Croix du Seigneur ; d’édifier l’Église sur le sang du Seigneur, qui est versé sur la Croix ; et de confesser l’unique gloire : le Christ crucifié. Et ainsi l’Église ira de l’avant. »

Oui, vraiment, qu’il en soit ainsi : que le Seigneur nous aide à aller de l’avant ensemble, en embrassant le Seigneur Crucifié-Ressuscité, sachant que nous sommes embrassés par Lui : « Et ainsi l’Église ira de l’avant. » Merci encore pour votre service généreux et pour votre écoute.