Assemblée des Évêques de l’Atlantique

  • Posted by Chirayil Thomas
  • On avril 23, 2014
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Allocution du Nonce Apostolique, Mgr Luigi Bonazzi
Halifax, le 23 avril 2014

Chers Frères dans l’Épiscopat,

Je salue chacun de vous avec une grande affection fraternelle, dans la joie du Seigneur Ressuscité qui nous précède en Galilée: « Vite – dit l’ange aux femmes accourues au tombeau – allez dire à ses disciples: “Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée; là, vous le verrez” » (Mt 28,7). Comme elle est belle, réconfortante et profonde cette pensée: savoir que le Seigneur nous précède dans la “Galilée” de nos tâches quotidiennes, dans nos efforts de Pasteurs, dans les questions qui nous sont posées et qui n’ont pas souvent de réponses faciles, dans les joies du ministère… Le Seigneur nous précède toujours, afin que, avec lui, nous puissions devenir des “témoins de la résurrection” (Actes 2:32), de la vie qui a vaincu la mort. Tâche impossible que celle-là, si elle dépendait seulement de nos propres forces humaines; mais possible et source de joie pour toute l’humanité, par la grâce que le Seigneur nous donne et avec laquelle il nous soutient (cf. 2 Co 12,9).

Chaque fois que je parle à mes frères Évêques – je l’ai déjà fait avec les Évêques du Québec, avec le Conseil permanent de la Conférence Épiscopale, avec les Évêques de l’Ontario – je prends conscience de ma petitesse. En effet, je suis arrivé depuis peu au Canada; je commence à peine à découvrir quelques-unes des pages de la longue histoire de l’Église au Canada. Tout cela me rend bien conscient de la modestie et des limites de ce que je peux dire et faire. Mais j’ai grande confiance en l’Esprit Saint, don du Seigneur Ressuscité. Le Saint-Esprit en nous (cf. Actes 1:8), est la confirmation que Jésus-Christ nous précède en Galilée et est toujours avec nous (cf. Mt 28,20)

Je me confie donc à l’Esprit-Saint, aussi en ce moment; je compte ensuite beaucoup sur votre prière. La prière est un grand appui concret que je peux vous donner, ou mieux que nous pouvons nous donner mutuellement. Prier, personnellement et ensemble, afin que le Saint-Esprit nous donne la lumière pour connaître le chemin où marcher, pour connaître en particulier les routes sur lesquelles conduire le peuple qui nous a été confié.

Chaque jour, nous devons demander au Seigneur la grâce d’être les “bons pasteurs” qui sont devant, au milieu et derrière nos gens : «Devant le troupeau pour montrer le chemin, au milieu du troupeau pour le garder uni, derrière le troupeau pour empêcher que quelqu’un reste en arrière et parce que, pour ainsi dire, le troupeau même a le flair pour trouver le chemin. Le pasteur doit se déplacer ainsi!» (Pape François, Discours aux Représentants pontificaux, 21 juin 2013).

Nous pouvons nous demander: avec quel style, avec quelle attitude intérieure vivre notre ministère de pasteurs? Vient immédiatement à l’esprit la grande règle pastorale de l’Apôtre Pierre, qu’il avait apprise à l’école du Maître, Jésus le Bon Pasteur, «venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude» (Mt 20,28). Saint Pierre traduit les paroles de son Maître avec cette invitation: «Soyez les pasteurs du troupeau de Dieu qui se trouve chez vous ; veillez sur lui, non par contrainte, mais de plein gré, selon Dieu ; non pas en commandant en maîtres à ceux qui vous sont confiés, mais en devenant les modèles du troupeau » (1 Pt 5,2-3).

Il me semble que le pape François – qui a le charisme de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22:32) – attire avec insistance notre attention sur un aspect particulier de la figure de Jésus le Bon Pasteur: la miséricorde. Je pense pouvoir dire que le Pape François, avec ses paroles et son exemple, offre chaque jour à nous pasteurs une leçon lumineuse sur “l’évêque apôtre et témoin de la miséricorde”.

Pour le Pape François, servent de toile de fond et expliquent la figure du ‘Pasteur miséricordieux’, ces mots emblématiques qui dépeignent l’attitude de Jésus envers Matthieu, un pécheur public, paroles qui révèlent l’attitude de Dieu envers chacun de nous, parce que nous sommes tous pécheurs: “Miserando atque eligendo”. Dieu regarde avec amour ses créatures écrasées par les besoins et le péché, avec cet amour sans limites qui est sa miséricorde (miserando); il donne à cet amour un caractère concret en montrant immédiatement une confiance infinie (eligendo), c’est-à-dire en appelant, en confiant une tâche. Comme on le sait, les mots “miserando atque eligendo” ont été choisis par le Pape François pour expliquer sa vocation sacerdotale; elles se retrouvent maintenant dans son blason pontifical, comme un cadeau pour toute l’Eglise.

Le Pape François voit dans l’évêque un pasteur qui – demeurant avec ses prêtres, traitant avec les religieux et les religieuses, marchant au milieu de son peuple –les regarde tous et les traite toujours, “miserando atque eligendo”.

Il l’a dit expressément: «Les ministres de l’Église doivent d’abord être avant tout des ministres de miséricorde». Dans une Eglise appelée à être «mè re et pasteur, les ministres de l’Église doivent être miséricordieux, prendre en charge les personnes, les accompagner comme le bon Samaritain qui lave, nettoie et relève son prochain… Les mi nistres de l’Évangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de marcher avec elles dans la nuit, de savoir dialoguer et aussi de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité sans se perdre» (Entretien avec Antonio Spadaro, L’Osservatore Romano, 26 septembre 2013).

Comment exercer le ministère de la miséricorde? Tout d’abord, dit le Pape, en la proclamant, c’est-à-dire en faisant résonner fortement la première annonce: «JésusChrist t’a sauvé! ». Oui, il y a beaucoup de choses à faire –semble dire le Pape François – mais la chose la plus importante est la première annonce, l’annonce principal: « JésusChrist t’aime, il a donné sa vie pour te sauver » (cfr. Evangelii Gaudium, 164,165,266).

La miséricorde doit ensuite être témoignée et illustrée par notre vie. Nous devons utiliser nos mains pour bénir, et aussi pour embrasser. Permettez-moi de rappeler à cet égard l’exemple émouvant cité par le pape François dans une de ses homélies à Santa Marta: «L’image qui me vient à l’esprit est celle de l’infirmier, de l’infirmière, dans un hôpital: elle guérit les blessures une à une, mais avec ses mains. Dieu s’implique, s’immisce dans nos misères, il s’approche de nos blessures et les guérit de ses mains; et pour avoir des mains, il s’est fait homme. C’est un travail de Jésus, personnel. Un homme a commis le péché, un homme vient le guérir. Proximité. Dieu ne nous sauve pas seulement par un décret, par une loi ; il nous sauve avec tendresse, il nous sauve avec des caresses, il nous sauve avec sa vie, pour nous» (22 Octobre 2013).

Chers frères évêques, nous sommes dans la semaine après Pâques, presque à la veille du dimanche de la Miséricorde, alors qu’à Rome le Pape François proclamera saints deux grands témoins de la Miséricorde: le Pape Jean XXIII et le Pape Jean-Paul II. Ces circonstances mêmes – je pense – nous aident, ou plutôt nous appellent – sollicités par le Pape François – à comprendre notre ministère épiscopal comme un ministère de miséricorde. Nous sommes appelés à être des Pasteurs capables de se rapprocher de tout homme et de marcher à son côté, comme fit Jésus avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24:15). Bien sûr, accompagner l’homme ne signifie absolument pas s’adapter à l’esprit du monde, placer au second rang les enseignements moraux, ou ne pas être conscients des pièges de l’individualisme, du relativisme, de la sécularisation.

Non, accompagner ne signifie pas se conformer ni céder, mais plutôt soutenir. Le Pape François nous demande: «Sommes-nous encore une Église capable de réchauffer le cœur? Une Église capable de ramener à Jérusalem? Capable de réaccompagner à la maison?» Et il nous dit: «Il faut une Église qui revient réchauffer, enflammer le cœur» (cf. Discours à l’Episcopat brésilien, 27 juillet 2013).

Demandons ensemble cette grâce; pour l’Église et pour chacun de nous. Merci.