Dédicace de la Basilique-Cathédrale Notre-Dame de Québec

  • Posted by Chirayil Thomas
  • On juillet 11, 2014
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Homélie du Nonce Apostolique, Mgr Luigi Bonazzi
Québec, 11 juillet 2014

Chers frères et sœurs,

Après avoir écouté la Parole de Dieu, nous nous arrêtons un instant pour laisser entrer dans toutes les fibres de notre être la densité de ce moment humano-divin que nous célébrons aujourd’hui: l’anniversaire de la dédicace de votre belle et bien-aimée Basilique-Cathédrale, placée sous le vocable de l’Immaculée-Conception, dans le contexte de cette année particulière 2014, au cours de laquelle l’Archidiocèse de Québec fait mémoire des 350 années de la fondation de la paroisse Notre-Dame de Québec.

En cet instant, nous est offerte – de manière certaine – la possibilité d’expérimenter déjà un moment d’éternité, alors que nous pourrons vivre en même temps le souvenir du passé, l’intensité du présent et le rêve du futur.

En relation au passé, que nous dit la célébration que nous vivons présentement ? À cet égard, je pense que surgit une question spontanée : « A la lumière des 350 années de l’histoire civile et religieuse du Québec que nous rappelons présentement en célébrant ce soir la dédicace de l’Église-Mère, y a-t-il un mot-synthèse, un message-synthèse, un héritage-synthèse que les artisans de cette histoire placent en nos mains ? »

Je perçois clairement une réponse qui – pour ainsi dire – est proclamée par toutes les pierres qui composent l’édifice de cette Basilique-cathédrale, et surtout qui est criée par le nombre innombrable de ‘pierres vivantes’ qu’ont été les hommes et les femmes qui ont façonné l’histoire du Québec. Cette réponse est l’écho fidèle des paroles que, dans l’Évangile que nous venons d’entendre, saint Pierre, – lui la première pierre- a adressée à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16).

Pourquoi les premiers missionnaires du Canada, les Martyrs canadiens, sainte Marie de l’Incarnation, saint François de Laval, sainte Marguerite Bourgeoys, la bienheureuse Marie-Catherine de Saint-Augustin…, pourquoi ont-ils et ont-elles laissé leurs terres ? Nous le savons : ils sont partis parce qu’ils ont été séduits par une Personne, et qu’ils ont voulu annoncer, à leur tour, cette personne : JésusChrist.

Ils sont venus certainement pour aimer et servir les habitants de cette grande nation, et ils l’ont fait en apportant une contribution fondamentale au développement de la société, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’attention aux pauvres, dans cette Province comme dans le reste du Canada. Mais, avant tout, ils sont venus témoigner par leur vie l’Évangile de Jésus, le Fils du Dieu vivant. En effet, on donne trop peu si on ne donne pas Dieu, et on a trop peu si on n’a pas Dieu. “Nous avons tout dans le Christ – enseignait saint Ambroise à ses chrétiens- Que toute âme s’approche de lui … Si tu veux soigner une blessure, le Christ est le médecin; si tu es opprimé par l’injustice, il est la justice; si tu as besoin d’aide, il est la force; si tu crains la mort, il est la vie; si tu désires le ciel, il est le chemin; si tu fuis les ténèbres, il est la lumière; si tu cherches la nourriture, il est l’aliment. Ainsi goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ; heureux l’homme qui espère en lui » (De Virginitate, 99).

« Nous avons tout dans le Christ et le Christ est tout pour nous ». Voilà ce que racontent les murs de votre Basilique-Cathédrale, voilà ce que proclament les témoins de la foi qui nous ont précédés. On dit, et je l’ai entendu plus d’une fois en ces jours également, que le Québec est une terre profondément attachée aux ‘valeurs chrétiennes’. Frères et sœurs : quand nous parlons de valeurs chrétiennes, nous ne nous référons pas à quelque grande idée, à de nobles principes moraux ; nous nous référons à une Personne, à Jésus-Christ, le Fils du Dieu vivant, qui donne à la vie humaine un horizon nouveau. Jésus est la ‘pierre vivante’ (I Pi 2, 4); nous avons besoin de lui pour ne pas demeurer enfermés dans la ‘mort’ de nos péchés et de notre égoïsme. Cette Basilique-Cathédrale a été bâtie pour nous aider à trouver un rapport personnel avec ‘le Fils du Dieu vivant’, lui qui est avec nous tous les jours (cf. Mt 28, 20), lui qui se tient dehors et frappe à la porte (cf Ap 3, 20), lui le ‘Rédempteur de l’homme’, sans qui nous ne pouvons rien faire (Cf Jn 15, 5).

“Le Christ est tout pour nous”. Tel est l’héritage du passé.

Qu’en est-il du présent ?

Le présent, nous le savons, est le temps qui est placé dans nos mains, confié à notre responsabilité. Cette conscience était bien présente chez René Lévêque, premier Ministre du Québec, dans une lettre personnelle qu’il a adressée au Pape Jean-Paul II le 22 juin 1980, à l’occasion de la béatification de Marie de l’Incarnation, de Kateri Tekakwitha, et de François de Laval. Il écrivait : “Quand un peuple remet en question ses modes de vie traditionnels avec autant de vigueur que le Québec l’a fait depuis vingt ans, il risque de se couper des valeurs qui ont contribué à sa survie et à la découverte de son identité propre, sans savoir les remplacer par des valeurs nouvelles. Il risque de provoquer chez les siens le déséquilibre, le dépaysement et même le désarroi. En renouant avec les richesses de son passé, le Québec ne peut que mieux assurer son avenir”.

Chers frères et sœurs, dans l’engagement à vivre avec une fraîcheur renouvelée et actualisée les richesses du passé, nous ne sommes pas seuls. Notre présent n’est pas vide, sans fondation et sans racines. Il faut toujours et de nouveau réveiller en nous cette profonde vérité que la culture de l’éphémère, de l’instantané, tend à nous faire oublier : cette vérité-réalité que nous appelons la ‘communion des saints’. Aucun homme, aucune femme, ne peut se considérer ‘compartiment-étanche’. Tous, que nous le voulions ou non, nous sommes liés comme des vases communicants. Cette mystérieuse osmose spirituelle n’agit pas seulement entre nous qui cheminons dans le temps, mais elle est plus active encore avec ceux qui ont déjà franchi le seuil de l’éternité.

Le grand philosophe Jacques Maritain a écrit à ce sujet : « Puisque l’Église triomphante ne forme qu’une seule chose avec l’Église militante, et parce que les saints continuent à s’occuper des choses de la terre et à s’y intéresser, eh bien ! Ils ont certainement leurs idées et leurs intentions relativement à ces

choses, à la vie et au comportement de chacun de nous, aux événements du monde et au progrès et à l’expansion du règne de Dieu ». Chers frères et sœurs, nous ne sommes pas seuls à vivre les défis du présent. Nous nous appuyons sur la foi de l’Église, sur la sainteté anonyme de tant de frères et de sœurs qui nous ont précédés, sur la foi de nos pères et de nos mères, des prêtres et des religieux et religieuses qui nous ont éduqués. Ils sont tous avec nous, et ils nous accompagnent. “Je me souviens”. Oui, il est bon et nécessaire de nous souvenir des “racines vivantes” qui nourrissent et soutiennent notre foi, de nous souvenir de la foule des amis qui, du Ciel, en Dieu, intercèdent pour nous, et de nous rappeler aussi l’aide réciproque que nous pouvons nous donner dans la transmission de cet héritage précieux qu’est la foi.

Et quant au futur ?

Le mois dernier, dans la prière pour la paix, vécue ensemble par les Présidents d’Israël et de la Palestine, le Pape François a dit : “Le monde est un héritage que nous avons reçu de nos ancêtres, mais c’est aussi un prêt de nos enfants” (8 juin 2014). Je pense que nous désirons tous laisser à nos enfants un ‘prêt’ bien investi. Que faire ? Bien sûr, devant la complexité des graves problèmes et des grands défis qui caractérisent notre époque, nous sommes tous conscients qu’il n’y a pas de formule magique qui pourrait les résoudre. « Non – comme le Saint-Père Jean-Paul II avertissait l’Église qui entrait dans le troisième millénaire – ce n’est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu’elle nous inspire : Je suis avec vous !» (NMI 29)

Cette personne, le Seigneur Jésus, se place ce soir à côté de chacun de nous et il nous dit, comme il l’a dit un jour à Pierre et à ses compagnons revenant d’une nuit de pêche sans poissons : « Jetez les filets pour la pêche » (Lc 5, 4) Il s’agit ainsi de continuer à jeter les filets de la foi en Jésus Christ. Il s’agit de faire nôtre, dans notre quotidien d’aujourd’hui, le programme qui a été celui de sainte Marie de l’Incarnation, de saint François de Laval : connaître, aimer, imiter Jésus Christ, et avec Lui transformer l’histoire. Nous sommes appelés à fonder sur Jésus notre vie personnelle et ecclésiale ; à dire avec Pierre : « Sur ta parole, je vais jeter les filets » (Lc 5, 5). Nous pouvons être certains que le Seigneur saura encore nous étonner par sa fidélité et ses surprises.

Chers frères et sœurs, j’ai essayé de lire avec vous la page d’histoire écrite sur les pierres de votre Basilique-Cathédrale, tandis que nous célébrons l’anniversaire de sa consécration. Puisse le Seigneur trouver en nous des ‘pages blanches’, afin de pouvoir continuer à écrire avec nous et à travers nous : ce sera une très belle histoire, digne d’être racontée. Amen.