10 Anniversaire décès Don Luigi Giussani

  • Posted by Chirayil Thomas
  • On février 23, 2015
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Homélie du Nonce Apostolique, Mgr Luigi Bonazzi

Ottawa, 20 février 2015

 

Chers frères et sœurs,

Si – comme l’affirme l’évangéliste saint Jean – Dieu est le Verbe, la Parole qui crée et donne vie, cette Parole éternelle qui donne sens et valeur à tous les êtres, j’aime penser que chaque créature humaine, créée à l’image de Dieu, est comme une petite parole dans la Parole. En nous appelant à l’existence, le Seigneur veut dire en nous et par nous une de ses paroles. Une parole unique, irremplaçable.

C’est pour cela que, en ce jour où nous évoquons le souvenir du 10e anniversaire de la naissance au ciel du Serviteur de Dieu Don Luigi Giussani, en moi – et peut-être aussi en vous – jaillit spontanément une question, une sainte curiosité : « Quelle est la parole, quel est le message que Dieu a voulu dire avec Don Giussani et que Don Giussani a proclamé par sa vie ? »

En pensant à l’expérience que j’ai vécue dans mes années de jeunesse – je parle des années 1965-1968, alors que je rencontrais quelques jeunes de Don Giussani (ils s’appelaient alors GS : Jeunesse Étudiante) qui, de Milan, venaient passer leurs vacances dans mon village, je trouve une réponse, que je me permets de vous partager. Il me semble que la ‘parole’ que Dieu a voulu mettre en lumière avec la vie de Don Giussani, nous la trouvons dans la question et la réponse du psaume 8, 5 : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils de l’homme, que tu en prennes souci? » C’est d’ailleurs, entre autre, le titre de l’un des livres de Don Giussani : Qu’est-ce que l’homme pour que tu en prennes souci ?

Frappé par la grandeur de la personne humaine, Don Giussani a eu la grâce de saisir de par lui-même ce que saint Jean-Paul II exprime ainsi dans sa première Encyclique : « En réalité, cette profonde admiration devant la valeur et la dignité de l’homme s’exprime dans le mot Évangile, qui veut dire Bonne Nouvelle. Elle est liée aussi au christianisme » (Redemptor Hominis, 10)

 Comme nous le savons, l’essence du message chrétien ne se trouve pas, principalement, dans le commandement d’aimer Dieu, mais dans l’invitation à se laisser toucher par Son Amour rédempteur à travers Jésus, dans le don de l’Esprit-Saint. C’est Dieu, en fait, qui nous a aimés le premier : l’initiative est absolument la sienne, totalement gratuite, infiniment miséricordieuse. Nous pouvons seulement l’aimer en retour (cf. I Jn 4, 10.19).

C’est pourquoi Don Giussani a toujours affirmé – pour bien l’imprimer dans notre cœur – que “le Christianisme, avant d’être un ensemble de doctrines ou une règle pour le salut, est l’avènement d’une rencontre ». La rencontre, disait-il, entre deux mendiants : « Jésus Christ mendiant du cœur de l’homme et le cœur de l’homme mendiant de Jésus Christ ». Quand cette rencontre arrive, les deux mendiants deviennent protagonistes de l’histoire. Quand cette rencontre échoue, la lumière s’éteint et le froid s’étend sur la terre.

Nous savons que les citoyens du Ciel continuent de s’occuper et de s’intéresser aux choses de la terre. Je me demande : « Qu’est-ce que Don Giussani fait au ciel ? » Il travaille sûrement, et je pense qu’il travaille en particulier pour que sur la terre arrive et se renouvelle la rencontre entre les deux mendiants. Cette pensée nous console et nous donne confiance. Mais elle nous interpelle aussi : qu’est-ce que je fais pour que les deux mendiants, le Christ et l’homme, se rencontrent ? Que faisons-nous pour que le cœur du Christ-mendiant puisse rencontrer le cœur de l’homme-mendiant, et qu’ainsi puisse débuter une histoire unique d’amour ?

L’Évangile d’aujourd’hui (cf. Mt 9, 14-15) vient à notre aide pour bien vivre la rencontre quotidienne avec Jésus. « Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ? », demandent à Jésus les disciples de saint Jean Baptiste. Le jeûne est une pratique ascétique qui a certainement sa valeur. Plusieurs religions en font l’éloge et le recommandent. J’ai connu des personnes qui, pour affronter des moments importants de leur vie, se préparaient avec le jeûne. Un de mes amis, par exemple, quand il savait qu’il allait rencontrer le Saint-Père, jeûnait la veille. Mais après, quand il rencontrait le Pape, c’était la fête, la joie.

A la question des disciples du Baptiste Jésus répond : « Est-ce que les invités de la noce peuvent être dans le deuil quand l’époux est avec eux ? » L’Époux, c’est Jésus qui, en tant que Crucifié-Ressuscité, est toujours avec nous. « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Il n’y a aucun jour, aucun moment où l’Époux n’est pas avec nous. Par conséquent l’atmosphère ordinaire dans laquelle le chrétien vit est la fête : « La joie est réveillée en moi chaque matin”, proclamait Don Giussani.

La présence du Seigneur, cependant, est un don, et non une possession. Ses dons sont libres, il faut laisser libre celui qui donne. Nous devons nous attacher à Dieu, et non pas à ses dons, et cela signifie laisser le Seigneur libre de venir à nous quand et comme il veut, et rester ouverts et disponibles aux surprises continuelles du Seigneur. Chaque jour la rencontre avec le Christ est nouvelle, autrement ce n’est pas une vraie rencontre. Une prière jaillit en moi : « Don Giussani, aide-nous – comme tu as su le faire – à accueillir chaque jour la nouveauté de l’aventure chrétienne ».

En terminant ces simples pensées, j’aime rappeler ce que Don Julian Carron, le successeur de Don Giussani, nous a invités à demander au Seigneur en ce 10e anniversaire de la naissance au ciel de Don Giussani et en préparation de la rencontre que la Fraternité de Communion et Libération aura sous peu avec le Pape François à Rome : demander la grâce de « préserver la fraîcheur du charisme… en renouvelant toujours le ‘premier amour’… en étant toujours sur la route, toujours en mouvement, toujours ouverts aux surprises de Dieu ».